Article paru dans Aviation & Pilote, N° 280, Mai 1997 UN TOUR DU MONDE EN SOLITAIRE
by Claude Meunier Je rêvais de ce vol depuis très longtemps. Habitant en Australie Occidentale, j'avais volé dans cette partie du monde, de Singapour jusqu'à Tahiti, et
bien sûr, je voulais aller plus loin. En 1995, en guise de "répétition générale", je suis allé jusqu'à Hong-Kong (cf. Aviation et Pilote No.274, Novembre 1996). Cela me
ermit de tester mon avion, un Piper Aerostar 602P-700, dans de longues étapes. Il était alors équipé de deux réservoirs supplémentaires. Pour le tour du monde, les préparatifs me prirent près d'un an: cartes, clairances, réservoirs, etc. J'avais organisé moi-même les clearances pour le Pacifique mais pour le Moyent-Orient, je m'étais adressé à Overflight Int., spécialiste de la région. L'expérience de vols dans le Moyen-Orient et en Asie montre qu'il est utile, voire nécessaire, d'utiliser un agent local. Le côut est largement compensé par la simplification des formalités.
Le gros obstacle, incontournable, pour voler autour du monde, reste la traversée du Pacifiaue entre Hawaii et la Californie, une étape de 2.100 Nmiles nautiques. Il me fallut construire deux autres réservoirs supplémentaires, soit quatre au total, amenant la quantité de carburant transportée à 1.600 litres, d'où surcharge de 15%. Les réservoirs dûment testés et la surcharge approuvée par les autorités australiennes , il me fallut aussi trouver les vitesses optimales avec les différentes charges ; l'avion, très lourd au départ, s'allégeant considérablement durant le vol. Je fis de nombreux vols pour trouver ces vitesses et les paramêtres moteurs pour les atteindre. Le grand départ de Northam (Australie Occidentale) le 15 Mai 1996. Ma route passe par Ceduna et Brisbane (Australie), Nouméa (Nouvelle-Calédonie), Nandi (Fidji), Pago-Pago (Samoas Américaines) où je rencontre les Proctor, un couple d'Américains qui font le tour du monde avec un hydravion Grumann Albatross. Je quitte alors les zones connues pour Christmas Island aux Kiribati, où l'une des pompes électriques me lâche. Impossible de la réparer dans cette île perdue. Je fais l'impasse pour rejoindre Hilo sur la côte Est de Hawaii où je répare. Situé sur la plus grande île de l'archipel, c'est l'aéroport le plus proche de la Californie. Il me faut cependant attendre sept jours un vent favorable avant ma longue étape. Pour la franchir,,je me suis fixé un point de non retour de 4 heures. Si au bout de 4 heures je n'avais pas franchi le tiers de la distance, et qu''il me reste moins des deux tiers du carburant, je dois revenir et essayer un autre jour. Je décollai à 4 heures du matin de Hilo pour éviter les brouillards sur la côte américaine, fréquents tôt le matin et en fin d'après-midi. Je fis de cette étape une tentative de record de vitesse. Mon record a maintenant été homologué par la FAI à 360 km/h, un rien au-dessous des 200 noeuds ! J'avais précalculé les chiffres de carburant et de distancepour chaque demie-heure et je comparais ces chiffres avec ceux du compteur de carburant et du GPS, un KLN90B. Dès le départ, les marges augmentent, m'assurant une bonne réserve à l'arrivée malgré du vent de face dans les derniers 200NM. Cette étape m'a préoccupé pendant des mois et s'avère l'une des plus faciles. Je suis en contact radio avec le centre de Oackland et des amis radioamateurs qui tiennent compagnie jusqu'à l'arrivée. En Californie, je fus reçu par un sympathique groupe de propriétaires d'Aerostar. Après un changement d'huile et de filtres, je parts vers Seattle, atterrissant à Boeing Field, puis continue sur Vancouver. Là, je dois faire venir un démarreur des USA. Au départ de Vancouver, alarme incendie ! Heureusement, ce n'est pas le feu à bord, mais un joint d'échappement qui a lâché. J'emporte toujours une douzaine de ces joints et ma caisse à outils. Après réparation, je traverse le Canada d'Ouest en Est, avec escales à Brandon, près de Winnipeg, et à Thunder Bay sur le Lac Supérieur avant d'arriver à Montréal-Saint-Hubert. Quelques jours plus tard, je traverse l'Atlantique via Goose Bay où je passe la soirée en compagnie de sympathiques pilotes de Canadair revennant d'une tournée de démonstration en Europe.Ils me donnent de précieux conseils pour mon atterrissage de demain à Narsassuack au Groenland, approche réputée difficile : l'aéroport étant dans le fond d'un fjord très encaissé et la couverture nuageuse ; souvent très basse. C'est très différent des photos ensoleillées publiées dans A & P. Je descends en spirale serrée en suivant le circuit d'attente de la balise NDB avant de percer à vue à 4.000 pieds. Je veux y passer la nuit, mais on met presque à la porte, le lendemain étant un dimanche. - Les gens de là-bas n'aiment pas qu'on les dérange le dimanche. Il n'est pas tard et les jours sont très longs en été si près du cercle polaire ; je reparts donc dans la foulée pour Reykjavick en Islande où j'atterris sous un grain au minima. Ayant traversé plusieurs fuseaux horaires le même jour et pour la première fois je ressens la fatigue. Après un jour de repos, vol vers Glasgow en Ecosse, où un exercice militaire me contraint à plusieurs déroutements. Je rejoins le continent à Ostende. A mon arrivée en France commencent les problèmes : mes radios n'ont pas la séparation des canaux à 25 khtz. Il me faut retourner en Belgique… en VFR et en dessous des espaces contrôlés. - Vol interressant. En Australie, je vole en VFR à 100 kt avec des cartes au millionième ; ici je vole à 200 kt avec des cartes françaises au 1/500 ! Le vol VFR se termine à Lille avec un plafond et une visibilté se détériorant. Mes cousins, aviateurs, me trouveront un atelier radio à Toussus qui fera la modification. Je retrouve famille et amis en Berry d'où je suis originaire. Après plusieurs semaines, volant entre France et Belgique, je reparts en direction de l'Egypte, m'accompagne. Je quitte Ostende en compagnie d' amie belge via Toussus, puis c'est la descente jusqu'à Nice. étaient à plat ! Courte escale pour du carburant (très cher) en Crète, puis nous atterrissons dans la poussière et la pollution, au Caire, après avoir reçu des instructions contradictoires ! Les formalités sont vite expédiéespar Nile Valley Aviation et nous sommes parqués sur la partie militaire de l'aéroport pour deux semaines de tourisme : pyramides, coisière sur le Nil - magnifique, grandiose. Tout à une fin et il faut reprendre la route. Mon amie repart vers la Belgique et je continue le périple. J'ai l'impression que le voyage est fini et qu'il ne me reste plus qu'à rentrer chez moi. Faux : j'ai encore un tiers du trajet à accomplir. Les ennuis commencent quand il faut retourner à Alexandrie, Le Caire n'ayant plus d'Avgas. Mes radios me causent des soucis : je reçois mais je ne transmets pas.J'effectue ainsi un long trajet à travers toute l'Arabie pratiquement sans radios. A Bahrayn, je les fais inspecter ; on ne trouve rien d'anormal. Je continue sur Seeb, l'aéroport de Oman. Le lendemain, dans la montée, à nouveau, alarme incendie : encore un joint d'échappement. Je fais demi-tour et trouve heureusement un mécanicien indien parlant anglais qui m'aide à changer le joint claqué. Le lendemain je traverse l'Inde d'Ouest en Est. Mis en garde contre la bureaucratie indienne, je dois reconnaître que la description est au-dessous de la réalité. J'ai passé quatre heures, de bureau en bureau, à remplir formulaires après formulaires, sans fin et sans but. Posé à 16 heures, je me couche enfin à minuit, pour me réveiller à 4 heures du matin et recommencer le circuit des bureaux. J'ai un plan de vol orné de neuf signatures et tampons, y compris celui de leur armée de l'Air ! La dernière partie du trajet me mène à Pénang en Malaisie où j'arrive sous un orage. Ni le glide slope ni le localiser de l'ILS ne fonctionnent. Je dois effectuer une approche VOR au minima dans l'orage qui approche. Je suis trempé quand j'entre dans l'aérogare où, en contraste avec Madras, les formalités sont expédiées en cinq minutes. Après un jour de repos, courte étape vers Seletar, un des aéroports secondaires de Singapour. Je fais inspecter mes radios à nouveau. Elles fonctionnent mieux en les permutant dans leurs tiroirs. J'enchaîne par un court vol jusqu'à Bali où mon agent, un ancien contrôleur, ayant reconnu mon nom sur le plan de vol, vient me souhaiter la bienvenue.avant que je reparte pour Port Hedland, enfin en Australie. Comme il n'y a pas de douaniers en permanence à l'aéroport, ce sont ceux du port qui viennent quand on les prévient. Pour la première fois de tout mon voyage, les deux douanièrs fouilleront mes bagages de fond en comble. Enfin j'arrive à Northam où l'Aero-Club m'attent au grand complet. e ne résiste pas à la tentation de leur faire un passage assez bas et assez rapide ! Ils ont décoré mon hangar et apporté des flots de champagne. Le soir au restaurant, je commençai à raconter mon histoire. J'ai parcouru, en tout, 24.776 miles nautiques, soit 45.850 kilomètres en 131 Heures 52. J'ai fait 36 atterrissages, dont 23 sur des aéroports inconnus et 13 sur des aéroports déjà visités et j'ai aussi dormi dans 42 différentes chambres ! Bref, je me suis offert un très beau voyage. Cet article est reproduit avec la permission de Aviation & Pilote.
http://www.Aviation-Pilote.com |
Contact us in English, French, German, Spanish, Italian or Portuguese:
Copyright Claude Meunier & Margi Moss, 2000 -
2024
|